La pluie. J'aime beaucoup la pluie, mais je n'aime pas être mouillé. En fait, je déteste ça. Bien sûr, je me lave, mais être surpris par la pluie en voulant lire au soleil, ce n'est pas très agréable. Heureusement, mon livre était sec. Mes ailes l'étaient moins. Mais qu'à cela ne tienne ! J'avais trouvé un endroit abandonné pour me réfugier, ainsi, pas d'embrouilles, et personne pour venir crier que je suis un dangereux hybride. J'ai mal aux oreilles à force d'entendre ça...

J'avais retiré ma veste trempée, m'employant à secouer mes ailes pour les sécher plus vite. Tellement d'eau dessus... Mais en même temps, je m'amusais de la façon dont les sons rebondissaient ici. C'est vrai, c'est grand et vide ! Il y a tellement d'écho ! Je m'amusais à gazouiller, une faculté d'oiseau que j'avais conservée - ma préférée après mes ailes - et écoutais le son rebondir sur les parois. Mais je m'en laissais un peu vite, pour une raison bien simple : la faim. J'avais vraiment faim. Cela devait faire une journée que je n'avais pas mangé, environ. C'est pas ma faute si tout le monde me reconnait dans la rue... Je veux simplement manger un petit sandwich à la boulangerie et voilà que des militaires armés tentent de me capturer, c'est injuste ça !

Alors que je restais immobile, les yeux fixés sur ma veste, je fus tiré de ma transe par ce qui semblait être une voix. Ou alors la pluie avait augmenté en intensité ? Un coup d'oeil depuis mon point d'ombre m'informa que non. Par contre, j'avais devant moi - enfin devant, tout est relatif, je reste plutôt loin de lui - une personne. Facile, elle était habillé tout en blanc, dans le noir ça se voit. Et pas que blanc. Il y avait un peu de rouge aussi.

"... al..."

Mal ? Je crois que c'est mal ? Je ne sais pas, l'écho distord les sons. C'est drôle mais pas pratique pour écouter. En plus il parle tout bas. Ce n'est pas bon du tout, je ne comprends rien. D'un petit pas léger me caractérisant sans doute, je m'approchais de cette personne que je finis par mieux distinguer. Un hybride, un kitsune blanc de surcroît - quelle belle couleur... - était au sol, assis, se tenant la hanche. Qu'est-ce qu'il fait là ?

« Hum... Bonjour... ? »

Ah, voilà. Je n'ose plus parler. Je suis à quoi... cinq mètres de lui ? - Je n'ai jamais eu la notion de distance - et j'hésite. Il pourrait vouloir ma peau, ou mes ailes, comme beaucoup d'autres hybrides. Mais bon, j'ai confiance ! Il sera peut-être quelqu'un de gentil ! Et puis, ces oreilles sont vraiment belles... Au pire, j'ai dégainé pour moins que ça.

Maintenant que j'étais un peu proche, je pouvais me permettre de l'observer. Il a l'air blessé... J'hésitais, penchant le pour et le contre. Il est blessé, il ne va pas me faire grand chose. Et puis, je sais voler. Selon ses oreilles, il n'a pas l'air d'être un oiseau. Ou alors un hybride vraiment particulier...

"... vous... hybride..?"

Voilà tout ce que tu entends si tu te mets trop loin, abruti ! Je me rapprochais encore, de cinq petits mètres. Allez. Plus qu'environ 10 mètres. De toute façon, il n'a pas l'air bien. S'il parle comme ça, c'est soit qu'il a peur, soit qu'il a mal, soit qu'il se sent mal à l'aise, soit qu'il est épuisé, soit qu'il joue la comédie. Il y a peu de chance pour que ce soit un piège quand même...

« Oui ! Je suis un hybride oiseau, un merle, plus précisément. »

Ce ton joyeux ne me quittait décidément pas. Mais c'est tellement plus agréable qu'on nous réponde d'un ton enjoué et chaleureux plutôt que de ce ton froid et cassant... Stop. Reprends-toi. Il y a quelqu'un avec toi, ne te déconcentre pas.

« Hum... Vous êtes blessé ? »

C'était plus fort que moi. Je me devais de le demander, il a l'air si faible et misérable ici ! J'avance encore un peu. Je m'y connais pas, mais il doit bien rester huit mètres maintenant. S'il me laisse approcher, ça me permettrait de l'aider un peu... Pas que je m'y connaisse en bandages ou en garrot, mais si. Je n'ai pas vécu l'enfer pendant environ 20 ans pour rien. Ma régénération est encore juvénile après tout... Je devais bien me débrouiller sans, avant. D'ailleurs, pendant que j'y pense... Je ne vois pas son visage et j'entends à peine sa voix... C'est une fille ou un garçon, que j'ai en face de moi ?

"Oui... Côté droit..."

Côté droit... Je n'avais pas trop été blessé dans ces zones là. Un peu quand même, mais il fallait bien me garder en vie... On dirait que quelqu'un veut se débarrasser de lui, vu comme ça. C'est fort probable. Nombreux sont ceux qui veulent se débarrasser des hybrides. Je le vis tenter de se lever et tomber juste après, revenant trop tard à la réalité pour l'aider. Et puis de toute façon, tu es trop loin, abruti. Je me rapprochais, jusqu'à être en face de lui, et m'accroupissais pour être à sa hauteur. S'il tente de me griffer, je pourrais parer. Mais vu sa blessure... Je doute qu'il tente quoi que ce soit. Sait-on jamais.

« Je peux peut-être vous aider... J'ai des connaissances, pour les bandages. Je m'en fais presque tous les jours. Alors, hum... Si vous avez besoin... »

Il n'a vraiment pas l'air bien. Il est trempé. Ses vêtements ne sont que des éponges pleines, là. Et avec cette plaie au côté droit... Je retirais déjà ma chemise. Dommage, je l'aimais bien... Mais elle servira de pansement improvisé. J'en trouverai une autre.

« Vous allez tomber malade, si vous gardez ces vêtements trempés sur vous. Vous devriez en retirer, peut-être... Je pourrais vous prêter ma veste pour vous couvrir, une fois la blessure bandée. Le temps qu'ils sèchent. La pluie ne va pas s'arrêter de tomber avant un moment je pense... »

C'est gênant, en un sens, comme demande. Je n'aurai pas envie qu'il me prenne pour un pervers ou quoi. Quel intérêt j'aurai à faire ça ? Je n'ai jamais compris les violeurs, moi... Mais sous la peur, on s'imagine vite des choses... Et pas que des belles. Surtout que je suis déjà à moitié nu devant lui... Comment est-il sensé savoir qu'il n'est pas mon type, en plus ? Ah, tu penses trop, tais-toi.
Je commençais à déchirer ma chemise d'un coup sec. Elle est grande, des lamelles comme ça devraient le faire... Et puis, pas le temps d'y aller minutieusement avec mon sabre. Il risque de mourir si je fais ça. S'il avait un pouvoir de régénération, le sang aurait arrêté de couler. Mais ses heures seront sans doute comptées, si je le laisse ainsi. Elles le sont peut-être déjà.

"Tant mieux... si la pluie dure un moment..."

J'entendais à peine ces mots, bien trop concentré sur mon déchirage de chemise pour ça. L'autre n'avait pas l'air de vouloir bouger - est-ce qu'il pouvait seulement le faire ? - et pourtant, il allait falloir. S'il restait allongé ainsi, je ne pourrait pas le soigner. C'était évident.

« Je vais devoir vous bouger et vous retirer des vêtements, pour être efficace... J'en suis désolé d'avance. Mais il faut que je vois l'ampleur des dégâts, et que je bande tout ça. »

Cela ne me plaît pas, comme manière d'agir. Pas du tout même. Mais je n'ai pas le choix... Je vins doucement défaire ses vêtements, juste le haut. Je ne réussis pas du premier coup, qu'est-ce qu'ils sont compliqués... ! Et où ça se tire, ça ? A force de me battre avec, je parvins quand même à faire apparaître son torse. Enfin... ! Je n'ai plus le temps ! Il risque de mourir ! Sans m'attarder plus que nécessaire, j'écartais les tissus de son côté droit, dévoilant sa blessure et le torrent de sang en coulant.

A vrai dire, en état normal, j'en serai resté choqué. Son côté droit avait comme été ouvert par des couteaux. C'était des plaies presque propres. Elles étaient très proches les unes des autres, au nombre de trois, et le sang qui s'en échappait me fit frémir. C'est un miracle qu'il soit encore en vie, ce gars. Je lui retirais comme je pouvais une partie de son haut, pour que les zones touchées me soit vraiment accessibles, et commençais.

Premièrement, prendre quelque chose pour nettoyer à peu près la plaie. Pour ça, j'utilisais brièvement ses vêtements. La plaie une fois localisée, on doit arrêter le sang de couler. Et pour ça, une seule solution. Je récupérais des morceaux de ma chemise, les arrangeais comme je pouvais à la hâte et le tournais sur le côté, laissant son côté droit exposé. Ce serait plus pratique.

« Ça risque de faire mal. J'en suis navré. »

La seule solution, c'est de presser dessus. Le plus fort possible. C'est ce que je fis. Mine de rien, j'ai de la force. Et je l'utilisais au mieux pour presser ses plaies avec ma chemise, priant pour que le saignement s'arrête vite. Sans quoi, je vais le perdre. Je ne suis pas médecin. Je ne redonne pas du sang perdu. Et je ne peux pas soigner les autres avec un quelconque pouvoir. Sur le coup, je suis juste un humain normal. Aussi impuissant que les autres. Aussi inutile que les autres. Mais je ferai tout pour le sauver.

Pendant un moment, je ne faisais que ça. Compresser sa plaie. Lorsque j'osais retirer doucement les tissus, de longues minutes plus tard - je ne saurai dire combien, je n'ai pas la notion du temps -, le sang s'était presque arrêté de couler. Il n'y avait que de petits filets de sang qui s'échappaient çà et là. Ils ne tarderaient pas à s'arrêter à leur tour.

« Voilà... Le sang ne coule plus. Vous allez bien ? »

Mine de rien, son état me préoccupait. Combien de sang avait-il perdu avant que je ne l'aide ? J'allais en même temps préparer mes bandages de fortunes, espérant qu'ils tiendraient le coup.

« Au fait... Je m'appelle Amargein. Amargein Walsh. Puis-je savoir votre nom ? »

J'observais le sang qui coulait encore. Pas bon... J'allais à nouveau appuyer sur ces endroits, laissant une légère croûte se former et commençais à bander sa plaie méthodiquement. Il s'agit de ne pas rouvrir la blessure après tout. Tout de même, je me demande qui a bien pu le blesser ainsi... Cela ressemble à des griffes d'animaux. Peut-être qu'il a des problèmes avec un chasseur d'hybrides ? J'en étais un au service du mort, après tout. J'ai dû blesser des hybrides qui seraient venus se réfugier dans un endroit pareil pour m'échapper aussi. Ou alors est-ce une rivalité ? Je ne sais pas... Je ne sais même pas s'il est un hybride de canidé ou de félidé. Il faudra que je lui demande après ça. Mais plus tard. Je vais attendre son nom d'abord.

Son hochement de tête me soulagea un tant soit peu. Était-il trop faible pour me répondre avec des mots ? Au moins, il ne s'était pas évanoui. Il pouvait donc lutter contre l'inconscient qui l'appelle sans doute à grands cris. Et possiblement contre la mort.

"Je m'appelle Butch... Butch Enven."

Je serrais ses bandages arrangés pour qu'ils tiennent et les attachaient ensemble avec un nœud que je serrais encore plus. Il s'agit de faire tenir le tout. Je n'ai jamais entendu ce nom...

« Butch... Enchanté ! Pardonnez-moi de cette question, mais... De quelle race d'hybride êtes-vous ? »

Je vérifiais ses bandages et, satisfait de mon travail, bougeais à nouveau mon patient pour le faire s'asseoir, le maintenant. Je lui retirais son haut encore trempé, le poussant pour faire de la place. J'attrapais ensuite ma veste et l'en recouvrais.

« Je vais faire sécher vos vêtements. Vous pouvez avoir ma veste en attendant. »

Je recouchais l'homme - car j'en suis sûr maintenant, c'est un homme - et j'attrapais ses vêtements, étudiant les dégâts que le sang avait fait. Il va avoir du mal à nettoyer ça je pense... Je me relevais pour presser l'eau hors des vêtements, essayant quand même de ne pas trop les froisser - ils avaient l'air bien entretenus -, manquant de me mettre à gazouiller. Je reste un oiseau après tout, en un sens. Mais il y a quelqu'un, ça risque de le déranger... Je lui demanderai quand même s'il accepterait que je le fasse un peu. Quoique, est-ce qu'il est poursuivi ? Dans ce cas, je ferai bien de me taire. Son ou sa poursuivant-e- pourrait m'entendre et se diriger par ici pour m'interroger. Et le truc avec les entrepôts abandonnés, c'est qu'il n'y a aucun endroit où se cacher, à part tout en haut dans la zone d'ombre. Je pourrais me cacher, mais certainement pas avec lui. Je pourrais sans doute le porter un peu en volant, si je vole bas et s'il n'est pas trop lourd, mais... Je ne veux pas tenter le diable.

"Je suis un hybride renard polaire... Je ne crains pas trop le froid, mais il vaut mieux être prudent..."

« Un renard ? J'aime bien les renards. Ils sont jolis, et les petits sont mignons. »

J'eus un sourire, époussetant désormais ses vêtements. Je les ai salis... Zut... Ils avaient l'air si beaux avant... Même trempés, ils gardaient leur beauté. Mais la poussière s'enlève vite, c'est l'avantage !

« Une fois que la pluie s'arrêtera, vous feriez bien d'aller voir un médecin. Mon bandage, bien que correct, ne suffira peut-être pas. Ah, mais vous n'êtes pas un docile. Tout le monde n'accepte pas de soigner les gens libres comme nous... C'est embêtant, je ne connais personne... Je n'ai pas besoin de médecins moi, généralement. »

Mauvaise habitude, mais je parlais à voix haute. Après tout, cela m'aidait à réfléchir, parfois. Ce n'était pas qu'un tort, et je savais me taire quand il le fallait. Ne me sentant pas en danger, je me relâchais forcément à un moment ou à un autre.

« Ah, au fait... Je suis désolé, Butch, mais je n'ai rien à vous donner à manger, ni à boire. Ça vous aiderait sûrement à récupérer, mais je n'ai rien du tout... Moi-même, je n'ai pas mangé depuis plus d'une journée. J'imagine que j'irai voler quelque chose après la pluie... Je n'aime pas faire ça, ce sont des gens honnêtes qui travaillent dur pour gagner leur vie, et on vole... Quand j'ai de l'argent, j'en laisse sur le comptoir. Je peux rarement laisser un mot, une note, mais c'est déjà mieux que rien. Pas vrai ? Ah, désolé, je parle beaucoup. Vous voulez peut-être vous reposer. »

Je fis légèrement la moue en m'en rendant compte. Je parle beaucoup trop, il a besoin de repos, avec sa blessure...

"Ah, c-ce n'est rien, ça ne me dérange pas de parler... Au contraire..."

Un sourire se dessina sur mon visage pendant que mes ailes frémir légèrement de satisfaction. C'est bien l'une des premières fois que quelqu'un apprécie m'entendre dériver dans mes pensées à voix haute !

"Et puis... Je n'ai pas très faim, donc ce n'est pas très grave... Au pire... lorsque je serais retourné là où je vis et que j'irais mieux, je pourrais chasser..."

« Chasser... ? Avec quoi chassez-vous ? Enfin, je veux dire... Vous vous mettez en embuscade dans un coin ? Vous préparez des pièges ? Vous poursuivez votre proie ? Désolé de toutes ces questions, mais c'est l'une des premières fois - même la première fois - que je parle à quelqu'un venant de l'extérieur de cette ville...  »

J'ai bien essayé d'y vivre, moi, à l'extérieur, mais... Comment trouver de la nourriture ? Comment faire pour avoir de nouveaux livres ? Ou avoir des vêtements convenables ? Les miens demandent un minimum d'entretien... En fait, j'y ai toujours vécu. Il serait difficile pour moi de vivre dans la nature, je le savais. Et puis, qui sait ce qui rôde dans les bois... Je ne voudrais pas tomber sur quelqu'un qui me chasserait plus férocement que les petits chasseurs d'hybrides qu'on envoie pour m'attraper. Je ne suis pas quelqu'un de fort - quoique, un peu quand même - et je me ferai vite avoir... Sa vie doit être compliquée. Mais s'il l'aime, c'est une bonne chose. Ah, je me fais encore happer par mes pensées... Secouer la tête suffit pour me remettre les idées en place. Bien. Restons concentré. Après tout, je vais sans doute apprendre plein de nouvelles choses grâce à lui... ! Dommage que je n'ai rien pour prendre des notes...

"Une telle curiosité se comprend parfaitement... Eh bien, soit nous chassons en petits groupes, soit nous chassons seuls, cela dépend de notre niveau et aussi de la capacité à tolérer les moins doués... Mais en général, nous repérons nos proies à l'odeur avant de les traquer en silence. Il faut éviter de se faire repérer, sinon, à moins d'être très bon à la course, on peut dire adieu à notre repas..."

Je pris des notes dans ma tête, priant pour retenir tout ça. C'est si intéressant de pouvoir en apprendre plus sur ce qui se passe derrière les murs de cette citée... ! Ce serait encore mieux si j'avais de quoi avoir une preuve physique de ces connaissances...

« Je vois... Vous vivez en meute, donc ? Il y a une hiérarchie comme chez les humains au sein d'elle ? Est-ce que les solitaires ou les autres meutes peuvent vous menacer ? Ah, aussi, on raconte que certains hybrides ont plusieurs formes... C'est votre cas ? Vous pouvez changer d'apparence ? »

A vrai dire, quand je le regardais comme ça, je me disais qu'il n'avait pas l'air puissant. Frêle, blessé gravement par un autre hybride, l'air souffrant, luttant contre l'inconscient... Mais j'étais le mieux placé pour savoir qu'il faut se méfier des apparences. Moi qui était autrefois si calme et soumis me suit rebellé si facilement face à mes tortionnaires... Il faut se méfier de l'eau qui dort, comme on dit. Si ça se trouve, j'ai face à moi le plus puissant des hybrides. Quoique. S'il a été blessé, il n'est pas si fort que ça ou maladroit ou quelque chose comme ça. Il n'est pas le plus fort. Mais est-il au moins fort ? Comment mesurer la force d'un hybride ? Bonne question... Je ne sais pas du tout. Je m'embrouille... Je secouais à nouveau la tête et allais déposer ses vêtements à côté de lui, me couchant sur le ventre au sol, entouré de mes ailes - mes précieuses ailes -, attendant sa réponse avec l'impatience d'un enfant à qui on a promit un cadeau.

"Oui, je vis en meute. Il n'y a pas de réelle hiérarchie, il y a juste le chef de meute qui dirige toute la troupe... Même si certains ont des rôles définis, comme les chasseurs qui se chargent de trouver à manger, ou d'autres qui nous permettent de récupérer des matériaux près de la ville... Il arrive que nous avons des conflits avec d'autres meutes, mais en général, ça se résout assez vite, c'est surtout une question de qui a repéré la proie en premier."

Noter, noter, tout noter, tout retenir au mieux possible... Je ramassais un débris qui trainait et commençais à dessiner sur le sol pour mieux m'en rappeler. Si je fais ça, ça m'aidera...

"Les hybrides solitaires n'osent jamais tenter quoi que ce soit contre la meute, ils savent qu'ils n'ont aucune chance... Et oui, bon nombre d'hybrides sont capables de prendre une forme animale. J'en suis capable aussi, mais dans mon état, je préfère éviter..."

Je secouais un peu la tête. Pourquoi ce sourire désolé ? C'est loin d'être quelque chose de grave, enfin... Je lui offris un de mes sourires joyeux en retour.

« Ne vous en faites pas pour ça. »

"Est-ce qu'il pleut encore, dehors?"

« A l'entente, il pleut encore, mais moins qu'avant... »

C'était une bien bonne question, en tout cas... La pluie partie, j'irai sans doute me chercher à manger. Je me levais néanmoins et allais jeter un coup d'oeil au dehors. Effectivement, il pleuvait bien moins qu'avant.

« La pluie ne devrait pas tarder à s'arrêter, je pense. D'ici cinq minutes, dix au maximum, ce sera fini. Vous allez repartir, je suppose ? »

En un sens, je connaissais déjà la réponse, mais avec ses blessures, il serait plus prudent de ne pas bouger... Ou qu'il retourne vite à sa meute.

"J-Je... J'aimerais rester... au moins le temps que... le temps que ça aille un peu mieux..."

J'avoue avoir été surpris par sa réponse. Il restait ? Enfin quelqu'un de raisonnable... ! C'est si rare, de nos jours ! J'en laissais échapper un gazouillement de bonheur. Je vais pouvoir rester avec quelqu'un un peu plus longtemps !

« Je reste avec vous alors, ça vaut mieux. On peut toujours parler en attendant ! »

Je m'assis proche de lui à nouveau, souriant. Quels genres de questions pourrais-je bien lui poser... ? Je n'ai pas envie d'être indiscret par rapport à sa vie privée, ou de l'embêter à parler aussi... Mais je pourrais lui demander tellement de choses, comme ne rien dire en fait. Mais une occasion pareille ne se refuse pas vraiment : Rencontrer un hybride vivant dans la nature en ville doit être relativement rare quand même. Et puis, pour peu qu'il soit gentil... Les humains n'arrêtent pas de dire que dans la forêt, il n'y a que des parias et des dangereux. Encore une preuve de leurs mensonges. Ne savent-ils que mentir ? Ah, je m'égare à nouveau. Je dois rester concentré. Concentré.

« Enfin, si vous voulez parler... D'ailleurs, si vous voulez me poser des questions en retour des miennes, ne vous gênez pas, d'accord ? »